L'usage de drogues dans le secteur de la construction

Le secteur de la construction au Québec est un environnement de travail exigeant, où la sécurité est primordiale. Cependant, la consommation de drogues et le facultés affaiblies des travailleurs sur les chantiers représente un risque majeur pour la santé et la sécurité des travailleurs, ainsi que pour la qualité des travaux. Ce problème persistant nécessite une approche globale et concertée de la part des employeurs, des syndicats et des autorités compétentes.

Consommation de drogues sur les chantiers: ce que dit la loi

Simon Lévesque, responsable des dossiers de santé et de sécurité au syndicat: « Sur l’heure du midi et même pendant le travail, parfois dans les toilettes ou dans des passages, ça sent le cannabis. »

Les travailleurs consomment pour différents motifs, a-t-il expliqué. Certains pour cesser d’avoir « mal aux épaules », par exemple, « ça va leur permettre de suivre la cadence ».

À la suite de l’adoption de la Loi constituant la Société Québécoise du Cannabis sont entrées en vigueur, le 17 octobre 2018, de nouvelles obligations pour les employeurs et les travailleurs.

Voici les nouveaux articles de la Loi sur la santé et la sécurité du travail :

Article 49.1 État du travailleur – Le travailleur ne doit pas exécuter son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celle des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire.

Facultés affaiblies – Sur un chantier de construction, l’état d’un travailleur dont les facultés sont affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire représente un risque aux fins du premier alinéa.

Article 51.2 État du travailleur – L’employeur doit veiller à ce que le travailleur n’exécute pas son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celle des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire.

Facultés affaiblies – Sur un chantier de construction, l’état d’un travailleur dont les facultés sont affaiblies par l’alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire représente un risque aux fins du premier alinéa.

Guillaume Houle, porte-parole de l’Association de la construction du Québec (ACQ) se dit un peu inquiet de la situation:

« il faut prendre la situation au sérieux, peu importe le nombre de fois où ça survient, c’est clair », a-t-il dit.

« Ce sont des situations qui peuvent arriver, au même titre qu’il arrive qu’un travailleur se présente sous l’effet de l’alcool », a continué M. Houle. L’employeur doit « prendre des mesures disciplinaires, prendre des mesures pour que cette personne-là ne puisse pas atteindre à sa propre sécurité ou à la sécurité des autres travailleurs ».

« Tous les chantiers de construction sont extrêmement dangereux, donc avoir un travailleur sous l’effet de l’alcool ou de la drogue, ça pourrait avoir des conséquences assez majeures »

Prévalence de la consommation de drogues dans la construction

Bien que les données précises soient limitées, plusieurs études et rapports soulignent la prévalence élevée de la consommation de drogues dans l'industrie de la construction au Québec. Selon une enquête menée par la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), les travailleurs de la construction figurent parmi les groupes les plus à risque en matière de consommation de substances psychoactives.

Les raisons de cette prévalence élevée sont multiples, notamment les conditions de travail physiquement exigeantes, les longues heures, le stress et la culture machiste qui peut parfois régner sur les chantiers. De plus, l'accessibilité et la banalisation de certaines drogues, comme le cannabis, peuvent contribuer à leur consommation dans ce milieu.

Risques liés à des facultés affaiblies

La consommation de drogues sur les chantiers de construction comporte de nombreux risques pour la sécurité des travailleurs, la qualité des travaux et la responsabilité légale des employeurs.

Risques pour la sécurité

• Diminution des capacités physiques et cognitives : Les drogues peuvent altérer la coordination, l'équilibre, le temps de réaction et la concentration, augmentant ainsi le risque d'accidents graves impliquant des chutes, des machines lourdes ou des outils dangereux.

• Comportements à risque : Sous l'influence de drogues, les travailleurs peuvent adopter des comportements imprudents, comme ne pas porter d'équipement de protection individuelle (EPI) ou ignorer les procédures de sécurité.

• Risque d'overdose : La consommation excessive de drogues, en particulier d'opioïdes, peut entraîner des overdoses potentiellement mortelles sur les chantiers.

Risques pour la qualité des travaux

• Erreurs de jugement : Les effets des drogues peuvent nuire à la prise de décision et au jugement, ce qui peut entraîner des erreurs coûteuses dans la conception ou l'exécution des travaux.

• Baisse de productivité : Les travailleurs sous l'influence de drogues sont généralement moins productifs, ce qui peut retarder les projets et augmenter les coûts.

• Travail bâclé : La consommation de drogues peut conduire à un travail négligent et à des défauts de construction, compromettant la qualité et la durabilité des structures.

Risques juridiques et financiers

Au Québec, les employeurs ont l'obligation légale de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé, la sécurité et l'intégrité physique de leurs employés, conformément à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et au Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC). Le non-respect de ces obligations peut entraîner des poursuites judiciaires, des amendes substantielles et des poursuites en vertu du Code criminel en cas d'accident grave.

Parmi les personnes qui avaient un emploi lorsqu’elles sont mortes à cause d'une surconsommation d'opioïdes en 2020, 30 % étaient des ouvriers du secteur de la construction, selon le rapport publié en juillet 2022.

De plus, les accidents, les retards et les défauts de construction liés à la consommation de drogues peuvent entraîner des coûts supplémentaires importants pour les entreprises de construction, ainsi que des poursuites civiles de la part des clients ou des tiers lésés.

Alcool et drogues: stratégies de prévention et de gestion

Face à ces risques importants, les entreprises de construction au Québec doivent adopter des stratégies proactives pour prévenir et gérer la consommation de drogues sur les chantiers. Voici quelques approches clés à considérer :

 Sensibilisation et formation

• Campagnes de sensibilisation : Organiser des campagnes de sensibilisation pour informer les travailleurs des dangers de la consommation de drogues, de ses conséquences potentielles et des ressources d'aide disponibles.

• Formation sur la sécurité : Inclure des modules sur les risques liés à la consommation de drogues dans les formations obligatoires sur la sécurité au travail.

• Programmes d'aide aux employés : Mettre en place des programmes d'aide aux employés (PAE) pour offrir un soutien confidentiel aux travailleurs aux prises avec des problèmes de consommation de drogues.

Politiques et procédures

• Politique claire sur les drogues : Élaborer et communiquer une politique claire interdisant la consommation, la possession et la vente de drogues illégales sur les chantiers, ainsi que le travail avec les facultés affaiblies.

• Tests de dépistage : Mettre en place un programme de tests de dépistage de drogues aléatoires ou ciblés pour détecter et prévenir la consommation sur les chantiers, en respectant les lois sur les droits de la personne.

• Procédures disciplinaires : Définir des procédures disciplinaires claires et cohérentes pour les travailleurs qui enfreignent la politique sur les drogues, allant de l'avertissement à la suspension ou au licenciement.

Environnement de travail sain

• Promotion du bien-être : Encourager un mode de vie sain en offrant des programmes de conditionnement physique, des conseils nutritionnels et des ressources pour gérer le stress.

• Amélioration des conditions de travail : Examiner les conditions de travail difficiles, comme les longues heures et les tâches physiquement exigeantes, et chercher des moyens de les améliorer pour réduire la tentation de consommer des drogues.

• Culture d'entreprise positive : Cultiver une culture d'entreprise positive qui valorise la sécurité, le respect mutuel et le soutien entre collègues.

La consommation de drogues sur les chantiers de construction au Québec représente un défi majeur pour la sécurité des travailleurs, la qualité des travaux et la responsabilité légale des employeurs.

Cependant, en adoptant une approche globale combinant la sensibilisation, des politiques strictes, des programmes d'aide et la promotion d'un environnement de travail sain, les entreprises de construction peuvent contribuer à prévenir et à gérer efficacement ce problème.

Une main-d'œuvre sobre et en bonne santé est essentielle pour assurer la sécurité, la productivité et la réussite durable de l'industrie de la construction au Québec.