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Quel futur pour le secteur de la construction au Québec avec le projet de loi 51?
Par Équipe éditoriale
Modifié le 25 octobre 2024
Le projet de loi 51 se veut une réforme profonde du secteur de la construction. Après avoir pu apprécier son origine et ses principes généraux, il est très difficile de déterminer si la future loi atteindra ses objectifs, ou si elle abaissera le niveau de vie de toute une partie des travailleurs de la province.
Projet de loi 51 : objectifs et contexte
Les origines du projet
Cinquante-six ans, c’est le temps qu’il aura fallu au parlement du Québec pour réformer un secteur encadré par une législation qui répondait aux impératifs d’un autre temps : la loi R-20.
Son but principal : protéger les travailleurs des régions en définissant un principe de priorité régionale en matière d’embauche et les cas d’exception possibles.
Mais aujourd’hui, face à une pénurie de main-d'œuvre chronique, tous les secteurs de la construction souffrent :
Mise à niveau des infrastructures;
Construction de logements;
Nouvelles infrastructures.
Avec ses règles rigides et ses lourdeurs administratives, le Québec accusait du retard sur toutes les autres provinces canadiennes, notamment du fait :
Du cadre normatif;
D’un exercice rigide des métiers;
De restrictions sur la mobilité géographique des travailleurs;
Des carences dans la formation professionnelle.
Au travers du projet de loi 51, le Parlement répond donc à un impératif industriel mais aussi social.
Les principes généraux
Sept grands principes se détachent du projet de loi 51. Une partie vise à répondre aux intérêts des travailleurs, et une autre à ceux des chefs d’entreprise. Le législateur a donc cherché à trouver l’indispensable équilibre entre les besoins des entreprises et ceux des salariés, et ce, dans un marché du travail qui a énormément évolué depuis les années 1960.
Ajustement salarial rétroactif
Mesure attendue de longue date par les syndicats : l’ajustement salarial rétroactif. Dans les faits, entre chaque négociation des conventions collectives par les syndicats, les augmentations de salaire n’étaient pas appliquées rétroactivement à partir de la cessation de la précédente convention collective.
Autrement dit, les employeurs avaient tout intérêt à faire traîner les négociations pour réaliser des économies sur les salaires. Pour pouvoir faire passer la réforme, le gouvernement n’avait d’autre choix que de céder, avec les syndicats, sur ce point.
Par là même, il a fait sortir le secteur de la construction d’un fonctionnement exceptionnel, inconnu de toutes les autres branches professionnelles.
Pour parvenir à faire fonctionner cet ajustement, un Fonds de rétroactivité salariale de l’industrie de la construction a notamment été institué. Pour protéger les partis d’un manque de diligence et de bonne foi dans les négociations, le Tribunal administratif peut être interpellé.
Simplification d’accès au mode alternatif de règlement des litiges
La loi R-20 prévoit que la Commission de la construction du Québec autorise le recours à l’arbitrage, en cas de conflit sur l’interprétation d’une clause présente dans une convention collective.
Pour simplifier le recours à ce mode alternatif de règlement des litiges qu’est l’arbitrage, la loi lève cette obligation.
Reconnaissance des diplômes étrangers
Le manque de main d'œuvre chronique dans l’industrie de la construction appelle une main-d'œuvre étrangère à la province et même au Canada. Pour faciliter l’embauche de ces travailleurs étrangers, la loi donne compétence à la Commission d’édicter des normes visant à reconnaître les diplômes délivrés hors du Québec.
Discrimination positive à l’emploi
Le bilan dressé sur l’employabilité des femmes ou des travailleurs autochtones dans l’industrie de la construction, est particulièrement préoccupant. Ce ne sont pas moins de 20% à 30% des travailleuses qui ne trouvent pas d’emploi. Les chiffres sont tout aussi déplorables du côté des travailleurs autochtones, selon les représentants syndicaux de la Côte-Nord.
Dès lors, le projet de loi 51 entend venir en aide aux populations les plus précaires de la société québécoise en favorisant :
Les membres des premières nations;
Les travailleurs immigrés;
Les personnes souffrant d’un handicap.
Pour faciliter leur employabilité, le projet de loi prévoit, à l'article 69, qu’une femme, ou toute « personne représentative de la diversité de la société québécoise », titulaire d’un certificat de compagnon pourra être affecté dans n’importe quelle région de la province, sous réserve d’avoir travaillé 400 heures pour son employeur, contre 750 heures pour un autre salarié.
Enfin, l’article 60 paragraphe 13.4 a pour ambition de faciliter la reconnaissance des diplômes des travailleurs étrangers. Une avancée qui va indubitablement changer la vie des travailleurs immigrés.
Lever les contraintes à la mobilité des travailleurs
Pour pallier les contraintes contemporaines du marché du travail, les parlementaires, en concertation avec les représentants du patronat, ont décidé de faciliter la mobilité des travailleurs.
Face à la pénurie de main-d'œuvre, le premier alinéa de l’article 38 du règlement sur l’embauche et la mobilité des salariés dans l’industrie de la construction est modifié. Celui-ci interdisait à tout employeur d’affecter un salarié dans une autre région du Québec s’il n’avait pas cumulé au moins 1 500 heures de travail pour lui.
Ce volume horaire passe donc à 400 heures pour les femmes et les salariés issus de la diversité, et à 750 heures pour les autres travailleurs.
Accroissement de la polyvalence des salariés
Il s’agit probablement de la partie la plus critiquée de la réforme par les représentants syndicaux, et en même temps l’une des plus attendue par le patronat.
En effet, la polyvalence des salariés signifie qu’un compagnon peut être chargé, par son employeur, de réaliser des tâches qui sont connexes à sa spécialité. Trois conditions cumulatives permettent à l’employeur de demander à son employé d’être polyvalent :
Le travail est lié à la définition du métier du compagnon;
La tâche fait partie d’une même séquence de travail et assure la continuité des travaux (préparation et finition incluses);
La charge de travail représente moins d’une journée.
Toutefois, et c’est bien là qu’apparaît le problème de la polyvalence, des métiers pouvant compromettre la sécurité des travailleurs ou des usagers sont nommément exclus de cette évolution :
Les électriciens;
Les tuyauteurs;
Les mécaniciens en protection-incendie et en ascenseurs;
Les frigoristes.
Par conséquent, le législateur admet implicitement que la polyvalence des salariés amène à une baisse de qualité dans les travaux réalisés, dès lors que certaines professions doivent en être exclues pour des raisons évidentes de sécurité.
Diminuer la charge administrative
L’ensemble du projet de loi 51 a pour objectif affiché de « diminuer le fardeau administratif et réglementaire ». Celui-ci engendre notamment des coûts cinq fois plus importants pour les entreprises de moins de cinq salariés (7 023$). Ces entreprises représentent 79% du secteur de la construction. Les entreprises de plus de cent salariés engendrent, elles, des coûts de 1 237$.
Ce projet de loi serait donc de nature à faire cesser cet avantage concurrentiel dont jouissent les grandes entreprises du secteur de la construction.
Quels sont les impacts sur l'industrie de la construction?
Réactions et controverses autour du projet de loi 51
Si le patronat se satisfait de la réforme en cours, ce n’est pas le cas des syndicats, bien plus mitigés sur la question. Les raisons sont nombreuses :
La mobilité salariale pourrait apauvrir des régions déjà fragiles;
La polyvalence risque de minorer les qualifications des compagnons;
La rétroactivité salariale devra être négociée.
Certes, il y a des avancées, notamment en matière de discrimination positive vis-à-vis des communautés les plus fragiles du secteur. La reconnaissance des diplômes des travailleurs étrangers est notamment l’une des orientations qui pourrait permettre aux employeurs et aux travailleurs immigrés de sortir gagnants de cette réforme.
Où en était le Québec par rapport au reste du Canada?
Le régime applicable sous le chapitre R-20 de la loi sur les relations du travail de 1968 est le plus contraignant de tout le Canada. Toutefois, il ne serait pas si mauvais pour la compétitivité.
En matière de salaires, les travailleurs québécois ne sont pas moins bien rémunérés que les autres, lorsque l’on prend en compte le coût des matériaux. Le travail au noir n’est pas plus répandu, ni les coûts plus importants ou encore la compétitivité moins performante.
Certes, les autres provinces sont avant tout guidées par la coutume et les pratiques syndicales, alors que le Québec compte sur les lois et règlements pour encadrer le secteur de la construction.
Toutefois, la comparaison entre les conventions collectives des différentes provinces fait ressortir de très grandes similarités. Il est donc possible que la nécessité de la réforme ne fût peut-être pas aussi impérieuse qu’il n’y paraissait au premier abord.
Quoi attendre du futur projet de loi 51?
Avec 860 000 nouveaux logements nécessaires pour répondre aux besoins des Québécois avant 2030, et 35 000 travailleurs attendus sur les seuls chantiers d’Hydro-Québec, le défi est grand.
Bien évidemment, assurer une plus grande flexibilité du travail sous-entend de restreindre les droits des travailleurs. C’est justement ce que la mobilité des salariés et leur plus grande polyvalence sous-entend, avec peut-être conséquemment, une baisse de la qualité du travail effectué.
Sur le court terme, le succès du projet de loi 51 pourrait être largement tributaire de l’application qui en sera faite par les parties prenantes. Malheureusement, à l’heure actuelle, rien ne garantit que la réforme permette de répondre aux nécessités de la société québécoise en termes d’infrastructures.
Sur le long terme, la future loi modernisant l’industrie de la construction pourrait même s’avérer particulièrement délétère pour les régions, et même pour les travailleurs québécois. En effet, que se passera-t-il une fois passé l’horizon 2030?
Le marché du travail pourrait se contracter à nouveau, pour revenir à une situation comparable à celle des années 1960, où les deux pôles urbains de Montréal et Québec semblaient constituer un danger pour les régions. La question qui s’ouvre est donc celle de savoir si cette loi n'aura pas pour conséquence une future crise sociétale.
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