Quels sont les changements à venir concernant l'hypothèque légale en construction?
Par Karine Dutemple
Modifié le 7 novembre 2023

Les règles entourant l'hypothèque légale de la construction ont récemment été l'objet d'analyses et de discussions et ce, dans l'optique d'assurer un meilleur encadrement de l'utilisation de cette mesure contraignante, laquelle peut avoir des conséquences financières considérables pour de nombreuses familles.
Bien qu'aucune modification ne soit actuellement appportée aux lois et réglementations en vigueur dans l'industrie de la construction, il est tout de même pertinent de connaître quels sont les changements qui pourraient s'opérer éventuellement.
L'hypothèque légale de la construction: comment éviter les dérives?
Mise en contexte

Conscient des effets néfastes de la pandémie de COVID-19 sur la situation financière de plusieurs familles, la Chambre des notaires du Québec a dévoilé le 12 mai dernier plusieurs recommandations concernant l’obtention d’une hypothèque légale sur la maison d’un particulier.
Il est important de mentionner que le rapport publié sur cette question résulte d'un travail de concertation, lequel tire profit de l'intervention de plusieurs acteurs du milieu de la construction dont la Régie du bâtiment du Québec, l'Association de la construction du Québec, l'Association provinciale des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec et l'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction.
Reconnaissant que l’obtention d’une hypothèque légale est un recours qui peut s’avérer légitime lors de certaines situations, l’organisation soulève toutefois plusieurs dérives et témoigne d’un besoin de créer un meilleur équilibre entre les droits des acteurs du milieu de la construction et ceux des propriétaires, lesquels requièrent leurs services pour divers projets de grande envergure.
Il semble que deux catégories d’individus soient particulièrement à risque en situation de crise : les propriétaires-occupants et les acheteurs faisant l’acquisition d’une maison clé en main. Il va de soi que les risques encourus par un propriétaire souhaitant faire réaliser des travaux de construction ou de rénovation majeurs ne sont pas sans importance.
En effet, si l’entrepreneur responsable des travaux ne paie pas ses sous-traitants conformément à l’entente établie au préalable, ce sera le propriétaire qui sera directement pénalisé en devant lui-même payer ces derniers. Voilà qui est fort inquiétant, particulièrement lors de circonstances particulières dont la faillite potentielle de l’entrepreneur ou bien un dépassement du montant prévu pour les rénovations.
Quelles sont les problématiques relevées?

Il semble que cette mesure fort contraignante fut occasionnellement utilisée de façon abusive. Plus concrètement, le rapport fait état de la publication d’un avis d’hypothèque légale à la hauteur de 76 000$ et ce, pour des travaux dont la valeur ne dépassait pas 6500$. Qui plus est, un avis d’hypothèque légale publié sans autorisation en raison d’un dépassement des coûts injustifié (dû à une mauvaise gestion de la part de l’entrepreneur) est aussi souligné.
Il est indispensable de garder en tête que le dépôt d’une hypothèque légale s’accompagne d’une réduction de la capacité d’emprunt du propriétaire, contrainte qui reste en vigueur jusqu’à temps qu’un tribunal se prononce sur la légitimité de celle-ci (ce qui peut prendre plusieurs mois et même des années).
On souligne aussi que les conditions requises pour l’application de cette mesure s’avèrent les mêmes pour les constructions résidentielles que pour les constructions commerciales et qu’aucune nuance n’est apportée en fonction de la valeur des travaux exécutés.
Dans un autre ordre d'idées, le manque de connaissance au sujet de l’hypothèque légale de la part de la grande majorité des gens place ceux-ci en position de vulnérabilité par rapport aux entrepreneurs, ces derniers étant mieux outillés pour comprendre les modalités de celle-ci et les procédures qui s’y rattachent.
D’ailleurs, il semble aussi fort problématique que l’hypothèque légale ne fasse l’objet d’aucune forme de publicité. Pourquoi donc? Tout simplement parce que cela ne permet pas de connaître qui sont les individus bénéficiaires de cette hypothèque ni les montants rattachés à celle-ci. Une fois de plus, on reconnaîtra que cette situation place les gens en position de vulnérabilité.
À ce sujet, nombreux sont ceux qui seront surpris d'apprendre que même les vérifications du notaire au registre foncier ne permettent pas de prendre connaissance de contrats non payés qui pourraient motiver l'obtention d'une hypothèque légale. Il faudra attendre la fin de la période de 30 jours suivant la fin des travaux pour obtenir cette information.
Impossible également de prendre connaissance du montant de l'hypothèque légale, car dans certains cas, l'hypothèque peut couvrir des coûts non inclus initialement. Comment est-ce possible? L'hypothèque peut couvrir des coûts supplémentaires sans qu'aucune nouvelle dénonciation de contrat ne soit émise (si une clause dans le contrat prévoit cette possibilité).
Aucune information ne permet également de connaître les individus qui pourraient entamer une procédure visant l'obtention d'une hypothèque légale, ni même d'être mis au courant d'un éventuel projet de construction qui pourrait donner lieu à celle-ci.
Les recommandations mises de l'avant

Afin de mieux protéger les familles et individus à risque, la Chambre des notaires du Québec suggère tout d’abord d’interdire la saisie d’une résidence principale pour appliquer une créance garantie par une hypothèque légale dont la valeur est inférieure à 20 000$. À noter que la majorité (58%) des hypothèques légales sont contractées pour des travaux dont la valeur est inférieure à 25 000$.
Hormis cette mesure, d’autres ont été proposées :
établir une date limite pour l’inscription d’une hypothèque légale advenant que la maison soit mise en vente lors de travaux ;
la création d'un Tribunal administratif de l'habitation pour les demandes impliquant des sommes inférieures à 85 000$ ;
faire en sorte que l’hypothèque légale ne puisse pas être obtenue avant la publication d’un avis au registre foncier ;
obliger le vendeur à fournir plusieurs informations, dont la liste des travaux à compléter, le coût de ceux-ci ainsi que les coordonnées et noms de ses créanciers ;
prévoir l’obligation d’une relation contractuelle avec le propriétaire ou l’entrepreneur pour le fournisseur de matériaux ;
abolir l'hypothèque légale de l'ouvrier, tenant compte des moyens déjà mis en place pour assurer le recouvrement de son salaire en cas de litige ;
mentionner à l'intérieur du Code civil du Québec ce en quoi consiste une ''plus-value'' et que celle-ci est relative ;
faire en sorte que le gouvernement prenne exemple sur les autres provinces canadiennes en adoptant des dispositions prévoyant le paiement rapide des sommes dues dans le secteur privé ;
assurer la présence d'une retenue obligatoire au Code civil du Québec, impliquant en elle-même l'absence d'une possibilité de renonciation par l’acheteur. Celle-ci devrait correspondre à un pourcentage minimum du prix d’achat fixé légalement ou le cas échéant, à la somme des travaux qui ne sont pas terminés ou des factures impayées, à moins que le vendeur ne fournisse un cautionnement garantissant le paiement des travaux et leur réalisation ;
prévoir que l’avis prévu à l’article 2728 du Code civil du Québec soit attesté par un avocat ou un notaire, en plus d'être notifié au propriétaire et au débiteur de la créance garantie (il devrait être nécessaire de fournir plusieurs informations dont le prix des travaux exécutés, le souhait du créancier de recourir ou non à une hypothèque légale et les cordonnées des parties contractantes). Précisons que dans sa forme originale, l’article en question prévoit qu’à moins d’avoir fait affaire directement avec le propriétaire, l’hypothèque légale ne couvrira que les sommes inhérentes aux travaux, matériaux et services encourues après la dénonciation écrite du contrat ;
prévoir à l'article 1786 du Code civil du Québec des informations complémentaires au sujet de l'hypothèque légale ;
assurer que la date limite d’inscription du nouvel avis d’hypothèque légale soit calculée à partir de l’arrivée de la première de ces dates : 30 jours suivant la date de fin des travaux ou la date à laquelle un avis de préinscription d’un acte d’aliénation de l’immeuble à un tiers est publié en bonne et due forme ;
inclure des dispositions au contrat préliminaire afin que les propriétaires soient mieux protégés contre le risque encouru par l'hypothèque légale de la construction.
Terminons en soulignant que l'ensemble des informations mentionnées dans cet article sont tirées du rapport complet publié par la Chambre des notaires du Québec.
Vous souhaitez en apprendre davantage au sujet de l'hypothèque légale? Consultez notre article Tout savoir sur la dénonciation de contrat et l'hypothèque légale.
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