S3 E7 - Croître sans s’épuiser – La stratégie de Mathieu

[00:00:08.800] - Frédérique 

On est aujourd'hui ici avec Mathieu de Demco. Mathieu, tu es un habitué. Tu viens assez régulièrement, même. Je pense que ça faisait un mois que tu n'étais pas venu au bureau, puis là, tu as dit: Ça fait longtemps que je ne suis pas venu. C'est ça ? 

[00:00:21.660] - Mathieu 

Exactement. Je tiens à vous féliciter parce que votre machine à café est neuve. 

[00:00:27.110] - Frédérique 

Yes, elle fonctionne très bien. 

[00:00:30.010] - Mathieu 

Exact. À chaque fois que je venais, la machine à café était toujours brisée. Là, j'ai vu qu'il y avait une nouvelle, donc ça va m'inciter à revenir. 

[00:00:35.230] - Frédérique 

C'est comme les McDo avec les McFlurry, c'est ça ? C'est ça qu'ils disaient ? Les machins McFlurry, je ne sais pas. C'est ce qu'ils disent, en tout cas. Merci d'être ici aujourd'hui. On va parler de croissance d'entreprise. Parle-nous un petit peu de ton background, juste pour que les gens qui ne te connaissent pas encore entendent un peu d'où tu viens, jusqu'à où tu es aujourd'hui. 

[00:01:00.130] - Mathieu 

Je vais partir de où est-ce que je viens. Moi, j'ai grandi au Saguenay. Pourquoi j'ai grandi au Saguenay ? C'est parce qu'à la base, je suis né en Afrique, au Rwanda, 93, le génocide au Rwanda. J'ai perdu ma famille dans le génocide. J'ai été adopté par une famille québécoise au Saguenay, fait que j'ai grandi là-bas. À l'âge de 21 ans, j'ai bougé à Montréal pour devenir policier. Donc, depuis l'âge de 21 ans, jusqu'à aujourd'hui, je suis policier. Là, présentement, j'ai pris des années sabbatiques parce que mon entreprise est en croissance. Pourquoi de police à la construction ? C'est qu'à un moment donné, ma santé mentale a pris le bord parce que le métier de policier, c'est quand même assez rock'n'roll, surtout au Centre-ville de Montréal. On est exposé à beaucoup de choses, puis tout ça. Je suis rendu à un point dans ma vie, il fallait que je mette un genou à terre. Puis, j'ai découvert la construction. J'ai commencé mon entreprise, littéralement, en ramassant des débris, un petit peu comme un 800 gars de genre, puis en ramassant les débits de construction, j'ai vraiment pris la piqûre pour la construction. J'ai commencé dans le domaine de la toiture, c'est un domaine que je connaissais bien. Donc, j'ai tout mis mes œufs dans le même panier, j'ai commencé dans la toiture. Après ça, je suis été chercher ma licence d'entrepreneur générale, puis de fil en aiguille, j'ai commencé à toucher à différentes sortes de projets. J'ai même pour redonner à ma communauté qui est au Saguenay, j'ai ouvert une autre entreprise au Saguenay qui est LSCO Construction avec mon partenaire. Donc, j'ai Montréal, j'ai le Saguenay. Ce qui est le fun avec ça, c'est que ça me donne deux marchés différents. La construction à Montréal, ce n'est pas la même qu'au Saguenay. Les approches, ce n'est pas les mêmes, les enjeux, ce n'est pas les mêmes. Ça me permet d'établir différentes stratégies pour différents enjeux, autant en milieu urbain qu'en milieu rural. 

[00:02:54.130] - Frédérique 

Tu as gardé occupé, c'est ça qui garde ta santé mentale en forme, c'est ça ? 

[00:02:57.790] - Mathieu 

Oui, honnêtement, avec les années, je me suis rendu compte que comme dans la police, c'est gérer des situations d'urgence dans la construction, ça arrive. Ça, je l'ai, ça va rester en dedans de moi. Mais contrairement à la police, la construction, il n'y a pas de vie en jeu, il n'y a pas tout ce qui vient avec, puis tout ça. Je ne vais pas m'attarder là-dessus. Mais non, ce qui me drivait dans la police, je le retrouve à un certain point dans la construction en gérant des entreprises de construction. 

[00:03:24.330] - Frédérique 

Dans le fond, la toiture, tu as commencé en quelle année ? 

[00:03:26.410] - Mathieu

J'ai commencé la toiture, j'ai été incorporé en 2020. Toiture, j'ai commencé en 2022. Quand y a eu la Covid. 

[00:03:33.030] - Frédérique 

2020. 5 ans. 

[00:03:34.970] - Mathieu 

2020 Covid ? 

[00:03:37.040] - Frédérique 

Oui. 

[00:03:38.420] - Mathieu 

Oui, c'est ça. 2020. 

[00:03:40.400] - Frédérique 

Ça fait juste 5 ans. Là, on parle de croissance justement, là, tu réalises à quel point la croissance a été rapide en cinq ans. Parle-moi, là, tu es parti, toiture tu étais juste toi ? 

[00:03:54.570] - Mathieu 

Oui, oui. J'avais un mentor qui était avec moi, qui a débarqué de l'aventure, mais après ça, je suis parti de mes propres ailes. 

[00:04:00.870] - Frédérique 

Puis, tu es parti de tes propres ailes en 2020 ? 

[00:04:03.760] - Mathieu 

Oui. 

[00:04:04.150] - Frédérique 

Et maintenant ? 

[00:04:06.630] - Mathieu 

2025 ? 

[00:04:07.950] - Frédérique 

Oui, ton entreprise ? 

[00:04:11.000] - Mathieu 

Honnêtement, ça va bien. La croissance s'est faite. Est-ce qu'elle s'est bien faite, elle aurait pu mieux se faire. 

[00:04:17.580] - Frédérique 

Il y a toujours des courbes. 

[00:04:18.840] - Mathieu 

Il y a toujours des courbes, exact. 

[00:04:19.870] - Frédérique 

Des courbatures, c'est ça ? Des courbatures de croissance. 

[00:04:22.880] - Mathieu 

Des montagnes growth, on va dire ça comme ça. Des montagnes growth. Mais non, quand je regarde un petit peu qu'est-ce que j'ai fais, je regarde en arrière, oui, il y a des choses que j'aurais pu faire différemment, mais ça a fait en sorte de bâtir la personne que je suis, l'entrepreneur que je suis. La croissance, je ne dirais pas que je viens de sortir de toi parce qu'on est toujours en croissance, mais là, je viens de sortir du bout rock'n'roll de croissance. Là, maintenant, je comprends comment ça fonctionne la croissance. 

[00:04:48.720] - Frédérique 

Tu penses puis dans cinq ans, tu vas te dire la même affaire. Mais maintenant, je comprends. 

[00:04:54.340] - Mathieu 

Oui, exact. 

[00:04:55.040] - Frédérique 

Mais parle-moi un peu du nombre de membres dans ton équipe. Quels sont les différents roles, avec qui tu travailles ? Est-ce que tu as plus qu'une équipe ? Parle-moi un petit peu de la grosseur de l'entreprise. 

[00:05:05.850] - Mathieu 

Ma croissance m'a permis d'établir que des gros payroll, des grosses masses salariales, je ne veux pas m'en aller vers là. Trop d'employés à gérer, beaucoup de charges sociales, ça crée certains enjeux. Il y a sûrement des entrepreneurs qui vont écouter, qui vont comprendre. Donc, j'aime mieux bâtir un petit peu ma structure d'entreprise avec des chargés de projets, un gros backup office des gens dans le bureau qui vont tout gérer, que ce soit médias sociaux, visibilité, l'approche stratégique, la vision, tout ça. Puis, y aller avec des équipes de sous-traitants, mais des sous-traitants avec qui j'ai bâti une belle relation et j'ai confiance. Avec ce modèle-là, pour moi, je ne dis pas que c'est le modèle qui est bon pour tout le monde, mais ce modèle-là fait en sorte que c'est plus facile de gérer la croissance. Parce que la croissance, c'est un chaos, mais organisé. Il faut que ce soit organisé, mais c'est sûr que la croissance, c'est un chaos. Là, en me retirant un petit peu plus des opérations, ça me permet 

[00:06:05.080] - Frédérique 

Tu as une vision globale. 

[00:06:06.350] - Mathieu 

Exactement. Parce que j'ai remarqué en ayant mon entreprise à Montréal qui est Demco, puis elle au Saguenay qui est LSCO, je prenais des décisions qui était beaucoup plus clair dans LSCO parce qu'au Saguenay, je suis moins dans les opérations. Donc, je me suis dit: Si j'applique ça à Demco en essayant le plus possible de me retirer, je vais être capable de prendre des décisions qui sont plus en fonction de la vision de l'entreprise. C'est exactement ce que j'ai fais. C'est pour ça que j'ai été capable de peut-être monter une marche de plus dans mon 

[00:06:35.170] - Frédérique 

Oui, mais c'est très sage comme décision. Sauf qu'il faut être capable de se retirer. 

[00:06:39.340] - Mathieu 

C'est très dur. 

[00:06:40.020] - Frédérique 

Il y a beaucoup de gens qui ont plus de difficultés à ce niveau-là, déléguer, apprendre à déléguer, tout ça. Ça, c'est un problème dans tous les domaines. 

[00:06:48.660] - Mathieu 

Exactement. La croissance, au temps de mon entreprise, a fait en sorte que moi, personnellement, j'ai pris de la croissance aussi. Puis, j'ai connu une personne en 2024, que son père, il a une entreprise, ça va super bien, puis son père fait du mentorat, il fait des petites capsules sur Instagram, LinkedIn, whatever. Puis, il a dit une chose qui est vraiment venue me chercher, c'est qu'il a dit: Oui, être entrepreneur, c'est bien, mais il faut changer son mindset, son état de pensée, d'entrepreneur à CEO. Puis, il l'a très bien expliqué. Il a dit: Un entrepreneur, c'est partout du huit à cinq. Ça règle des problèmes à gauche, à droite. Il faut tout le temps que ça apporte une solution. Tandis qu'un CEO, ça bâtit des équipes pour gérer ces problèmes-là du huit à cinq. Puis le CEO, il peut se focusser sur croissance, développement, structure, vision. Exactement. Puis lui, c'est ça qu'il a dit. Il dit: Quand vous êtes capable de comprendre ça, vous allez voir, la croissance va se faire toute seule. Moi, je me suis dit: Il faut que j'essaie dans ma structure de me positionner comme étant un CEO, puis plus un entrepreneur on s'entend, je suis une PME, des fois, on dit CEO, on pense à Steve Jobs, Elon Musk. 

[00:08:03.820] - Frédérique 

Tu peux être un CEO d'une plus petite entreprise aussi ça fonctionne ça. 

[00:08:07.660] - Mathieu 

Oui, exactement, c'est correct, mais c'est de là de dire que peu importe. Là, je parle entrepreneur CEO, mettez les lettres ou les mots que vous voulez, mais le mindset, c'est vraiment de dire... 

[00:08:17.090] - Frédérique 

D'avoir une personne qui fait ça, puis une personne qui fait ça. 

[00:08:21.110] - Mathieu 

Exactement. Puis de bâtir des équipes aussi qui vont gérer le day to day. Moi, en ce moment, je suis là-dedans. J'ai commencé à adopter cette manière de faire là, puis ça va super bien. 

[00:08:33.710] - Frédérique 

Il y a quelque chose qui est moins commun, qu'on ne voit pas beaucoup, mais il y a des entrepreneurs qui préfèrent rester entrepreneur. Ils n'ont pas nécessairement la volonté ou les compétences d'être CEO. Ça aussi, ça s'engage. Tu n'es pas obligé d'être le CEO de ton entreprise. 

[00:08:51.820] - Mathieu 

Non. Moi, je parle de croissance d'entreprise, je parle de ma recette à moi. Je vais prendre un exemple. Moi, ma grand-mère a fait la meilleure sauce à spaghetti, mais pour quelqu'un d'autre, peut être que ça ne sera pas la meilleure sauce à spaghetti, puis elle va être très bonne. Chacun peut avoir sa recette. L'essentiel, c'est quand on est en croissance, puis je dis ça à tous les entrepreneurs, c'est de regarder dans l'entreprise notre X, notre position clé, elle est où. Quand on est capable de la trouver, pour moi, ça a été le chapeau de CEO, mais si pour une personne, de dire: Moi, là, je suis excellent pour poser de la céramique, il n'y a personne qui est meilleur que moi dans mon équipe, moi, c'est là-dessus. Je vais encourager cette personne-là à dire: Regarde, reste là, bâtis des équipes autour de toi pour gérer le reste. Après ça, part la croissance, mais il faut que tu restes sur le X. 

[00:09:41.220] - Frédérique 

Mais il faut comprendre c'est quoi son X aussi. 

[00:09:43.690] - Mathieu 

C'est la première chose. Moi, là, j'aime ça. La toiture, j'ai commencé avec ça. Là, on fait beaucoup de rénovation générale, tout ça. J'aime ça être avec les gars, l'ambiance de chantier, c'est bien, mais à la fin de la journée, quand je regardais mes 40 messages non lus, mes 60 appels manqués, je me disais: Est-ce que je suis à ma position ? Parce que le fait de ne pas être à ma position fait en sorte que je peux retarder le navire. Donc là, je me suis dit: Est-ce que je mets quelqu'un à cette position-là de gérer les courriers, les appels ? Non, ça va être moi. Je me retire du chantier, je bâtis une équipe là, puis après ça, je capitalise sur mes forces. Tu sais, malheureusement, j'ai deux enfants, puis je regarde mes enfants, ils ont des points forts, puis des points à améliorer. 

[00:10:29.440] - Frédérique 

Comme tout le monde. 

[00:10:31.130] - Mathieu 

C'est correct. Rendu où est-ce que je suis, je n'ai plus le temps d'avoir des gens qui ont des points à améliorer. Il faut tous s'améliorer, mais quand tu viens dans mon organisation, regardons ton X, il est où ? On va te positionner là, puis on va capitaliser là-dessus. 

[00:10:43.770] - Frédérique 

Oui, puis en entreprise aussi, c'est comme ça. Dans le fond, tu as le comprends, le vouloir et les capacités. Si tu le comprends, à la base, c'est très naturel comme position, puis ensuite que tu as la volonté. Ça, c'est les deux choses qui sont essentielles. Ensuite, il y a la capacité. Ça, ça s'apprend. Ça, ça s'enseigne, puis ça, c'est correct. On peut laisser place à jouer avec ce dernier-là. Mais les deux premiers sont tellement essentiels. Si tu ne les as pas pour la position, tu n'es pas à bonne place. 

[00:11:12.680] - Mathieu 

C'est ça. C'est pour ça que maintenant, je suis dans une position que quand que ce soit recruter des gens, engager du personnel, quoi que ce soit, je regarde la personne, puis mon entrevue, c'est simple, c'est: C'est où que tu es le meilleur ? Pas bon, ça ne me suffit pas être bon. C'est où ou où est-ce que tu es le meilleur ? Vas-y, je t'écoute, montre-moi. Allez, si tu es le meilleur, on va te placer là. Après ça, on va partir en croissance. Je pense que cette formule-là fonctionne. Aussi, c'est important quand on a une entreprise, quand on est en croissance, les employés, les sous-traitants, peu importe, les gens voient que tu es en croissance, ils ont besoin de voir: OK, lui, il part par en avant, où est-ce qu'il s'en va ? Comment est-ce qu'il est organisé pour s'en aller là ? Moi, c'est simple. Je le dis à mes gens autour de moi: Toi, tu es là avec moi parce que tu es le meilleur. C'est tout. Je ne veux pas te voir ailleurs. Reste là parce que tu es le meilleur. Je vais donner un parallèle qui peut sembler anodin. Patrick Roy, l'ancien gardien de but du Canadien, il était bon. C'était un des meilleurs, mais il n'y a jamais de scorer de but quand on regarde ça. Mais c'était un des meilleurs. Pourquoi ? Parce qu'il était à sa position. Si on a cinq Patrick Roy dans une équipe, je ne suis pas sûr que ça va être... 

[00:12:27.840] - Frédérique 

C'est rare, par contre. On a des gardiens de but, des bon gardien de but, il n'y en a pas tant que ça. On est correct. 

[00:12:34.570] - Mathieu 

C'est ça c'est pour ça que je regarde ce qui se fait aussi. Parce que quand on est en croissance, on se sent encore plus tout seul que quand on est en entrepreneuriat. Donc, je regarde aussi avec Internet, les revues, peu importe, les mentors, les gens qui ont passé par là, qu'est-ce qu'ils ont à dire ? Ça, c'est très important parce qu'eux, des fois, ils ont toujours les bons mots, la bonne manière d'approcher ça, la vision, parce que ces gens-là sont tellement reculés de leur entreprise, qu'ils sont capables de donner des lignes directrices qui peuvent s'appliquer un petit peu à tout le monde qui est dans cette phase de croissance. 

[00:13:11.830] - Frédérique 

Oui, puis la beauté de nos jours, c'est que ces personnes-là qu'on admire, qu'on suit, on est tellement obligé de raccourcir nos messages, puis tout est en vidéo, ce qui fait que ça nous permet au moins de consommer comme plus de connaissances très, très rapidement. 

[00:13:27.020] - Mathieu 

Absolument. 

[00:13:28.230] - Frédérique 

Super intéressant. Merci Mathieu de Demco. Merci d'avoir été ici. 

[00:13:33.000] - Mathieu 

Merci.